Monaco Ocean Week (20-25 mars 2022)
Vendredi 25 mars. Dans le cadre de la Monaco Ocean Week (20-25 mars 2022), le Yacht Club de Monaco était en charge du volet Yachting de cette semaine organisée par la Fondation Prince Albert II, le Gouvernement Princier, en collaboration avec l’Institut océanographique de Monaco et le Centre Scientifique de Monaco et dont l’objectif est d’approfondir la réflexion sur la conservation du milieu marin.
Océanographes, capitaines, directeurs d’expédition, biologistes mais aussi des experts du milieu maritime, sont venus partager leur expérience et analyse autour de la thématique « Yachting With Sense ».
La 11e édition du Symposium Environnemental a été le théâtre d’échanges et d’interventions inédites, où de nombreux acteurs du yachting et de la protection des océans sont venus témoigner de la fragilité d’une région qui attire de plus en plus de monde : l’Antarctique.
Océanographe et exploratrice, l’auteur et conférencière américaine, Sylivia Earle est l’une des chefs de file les plus emblématiques de la protection des océans. Qui de mieux pour entamer les discussions de ce 11e Symposium Environnemental ? Surnommée « Her Deepness » (Sa Profondeur en français) en raison des nombreux records d’exploration qu’elle a établis pendant sa longue carrière, Sylvia Earle est revenue sur l’importance de protéger l’Océan, essentiel à la vie sur Terre. « Ne prenons pas pour acquis la nature » rappelle-t-elle.
Dernier continent à avoir été découvert puis exploré, l’Antarctique attire de plus en plus de curieux tout en étant également la région la plus menacée par le réchauffement climatique.
NAVIGUER EN TOUT HUMILITE
Sophie Gavagnon du M/Y Polarfront (55 m), première capitaine femme française en région polaire développe une approche éco-responsable dans la navigation. « Nous avons des solutions, mais nous devons changer nos habitudes. Malheureusement aujourd’hui, avec la montée des températures, nous allons avoir de plus en plus de zones à découvrir dans cette région du monde. »
« J’ai vu lors de mes navigations là-bas, une beauté magnifique mais néanmoins fragile » concède Rajko Zupan, capitaine du M/V Marco Polo (176.28 m). « On doit protéger nos océans et pas seulement en se fiant à la technologie qui est déjà très développée. La chose la plus importante est d’éduquer les gens, les marins et tous ceux qui naviguent sur nos océans afin d’en assurer la protection. »
Il arrive ainsi que les équipages soient sollicités à l’image de celui du M/Y Queen Aida (50 m) comme l’explique son ancien capitaine Matthias Du Verle, « nous voulions que chacun puisse observer les changements climatiques et de faire partie du process. »
Pouvoir se rendre dans ces contrées reculées demeure « un privilège » complète Vincent Taillard, capitaine du Scenic Eclipse (168 m), « notre navigation doit forcément s’adapter à l’environnement. »
Naviguer dans ces zones nécessite une grande dextérité estime Estelle Blet, capitaine du M/Y L’Austral (131 m) qui est revenue sur les conditions de sécurité à respecter « dans 80% des cas, l’erreur humaine est le paramètre principal qui cause des accidents. » Les systèmes actuels permettent de minimiser les risques et d’appréhender les fonds marins mais une marge d’erreur existe. « Se rendre en Antarctique requiert des compétences très spécifiques pour éviter les accidents et donc des problèmes de pollution marine. »
« Durant nos expéditions nous essayons de réaliser des approches en douceur de la vie sauvage » évoque pour sa part le commandant Etienne GARCIA du M /V Le Commandant Charcot (88.5m).
L’ANTARCTIQUE, UNE DESTINATION QUI A DE L’AVENIR
L’Antarctique, continent de l’extrême est devenu le fantasme de bon nombre de touristes en quête de destinations qui sortent des sentiers battus. En 1999, 3000 personnes s’y sont rendues. En 2013, elles étaient près de 30 000. En 2019, ce sont plus de 55 000 touristes qui ont foulé le sol glacé du continent blanc.
« L’Antarctique est une destination lointaine. Il faut un mois pour y aller et un mois pour y revenir depuis l’Europe. C’est un endroit où il réside une grande fragilité de la faune et de la flore » explique Christian Kempf, fondateur de Grands Espaces. L’avenir du tourisme en Antarctique. Et il est certain que c’est amené à se développer car l’Antarctique est LA nouvelle destination. Et c’est pour cela qu’il faut que l’approche soit intelligente. »
L’Antarctique a le vent en poupe. « Aujourd’hui, il est possible de sensibiliser les citoyens à travers des expéditions qui contribuent à la recherche scientifique » à l’image de ce que réalise Pelorus Expedition représentée par Geordie Mackay-Lewis, co-fondateur de la compagnie britannique. Tous s’accordent à dire que la fragilité de cette destination où l’humilité est primordiale « en zone polaire, la flexibilité est le maître-mot »
COLLECTE DE DONNEES POUR NAVIGUER AUTREMENT
Détentrice de 8 records nationaux et de 3 records du monde Guinness, l’apnéiste française Aurore Asso a parcouru en apnée sous la glace 112 m en 1 min 47 sec avec une monopalme sur une seule respiration. C’était en 2015. Des exploits que la sportive utilise pour sensibiliser à la fonte des glaces et le rôle essentiel de la glace dans les écosystèmes marins. « Ce projet relie la volonté d’accomplir un défi sportif à la volonté de sensibiliser le public à la protection du milieu polaire en Arctique. » Ces records sont un prétexte pour montrer la beauté et la fragilité de la banquise dont la rétractation progressive depuis 30 ans est un marqueur du réchauffement climatique.
Dr Bonnie E. Gould Rothberg de la Yale School of Medicine navigue avec son mari à bord du M/Y Gene Machine (55 m) et du M/Y Gene Chaser (55 m) afin de collecter des données. C’est en Arctique qu’ils ont pu faire leurs premières constatations « nous avons été témoins de la fonte des glaces et nous nous sommes tout de suite questionnés sur les organismes qui étaient jusqu’alors pris au piège et conservés par cette glace. Pouvions-nous alors en apprendre quelque chose ? Nous avons ainsi débuté notre projet de collecte des échantillons d’eau. Cela a favorisé notre compréhension de l’impact que l’eau polluée (et celle qui l’était moins) pouvait avoir sur les organismes. »
François Miribel propriétaire du Boréal 47 Sir Ernst & Fabrice Papazian, membre du Y.C.M. et de l’équipage se sont rendus en péninsule antarctique et dans la baie Marguerite en février 2022. Dans le cadre de cette expédition, le navire a également été un formidable outil pour collecter des données. « Nous avons embarqué un système qui permettait d’enregistrer la position, la profondeur et l’heure. Toutes ces données étaient enregistrées sur une clé USB qui par la suite a été envoyée a des organisations compétentes afin d’alimenter leur banque de données déjà existantes » poursuit-il.
LA SPORT, ACTEUR DU MONDE SCIENTIFIQUE
Aujourd’hui, de nombreux bateaux de course sont dotés de dispositifs permettant au fur et à mesure des milles parcourus de récolter des informations utiles à la communauté scientifique. « Durant la dernière édition, nous avons lancé le programme « Racing With Purpose » note Anne-Cécile Turner, directrice de la durabilité sur l’épreuve The Ocean Race, une course en équipage et par étapes autour du monde. « Cela vise à mieux comprendre l’importance des océans, non seulement pour le sport, mais aussi pour la régulation du climat, la nourriture et les emplois qu’ils fournissent, ainsi que l’oxygène qu’ils nous permettent de respirer. » L’objectif est simple : utiliser le pouvoir du sport pour sensibiliser à la préservation océans. « 17% des personnes suivent les avancées scientifiques, 70% suivent le sport. L’idée était d’utiliser le sport comme vecteur. »
LA CONCEPTION DES YACHTS, ETAPE CLE DANS LA COLLECTE DE DONNEES
« La durabilité dans la conception de yacht est une drôle de combinaison » note Marnix J. Hoekstra : partenaire et directeur co-creatif : Vripack yacht design studio. « Mais nous avons décidé que dorénavant, chaque bateau construit possèdera un système de collectes de données qui seront partagées avec les institutions scientifiques. »
De plus en plus d’unités sont conçues et pensées pour exploiter leur navigation de manière plus responsable à l’image du M/Y Archimedes (68 m), réalisé par Feadship. C’est avec un enregistrement de baleines réalisé par le bateau en Arctique que Farouk Nefzi, Directeur Marketing du chantier a débuté sa prise de parole. « Le bateau a été construit en 2008 et le propriétaire avait pour souhait de visiter le monde. M/Y Archimedes est doté d’une coque renforcée pour pouvoir naviguer par tous les temps et d’un système de stabilisation ultramoderne qui réduit l’effet de roulis et rend la croisière plus agréable. » Un groupe de spécialistes et d’experts a été constitué pour assurer des navigations respectueuses.
L’INDUSTRIE, IMPLIQUEE DANS LE DYNAMISME SCIENTIFIQUE
Directeur de l’OHI (Organisation Hydrographique Internationale) et ancien amiral de la marine italienne, Luigi Sinapi est responsable du programme de bathymétrie » crowd sourced » qui équipe les super-yachts d’enregistreurs de données pour les collecter au cours des navigations. « La famille du yachting peut contribuer à ce rêve qui est d’alimenter la carte des océans du monde et la banque de données mondiales. On peut appeler cela de la philanthropie digitale. En quatre ans, nous avons reçu beaucoup d’informations, une augmentation de 14,9% depuis 2018. »
« Yachting with Sens » est le sujet de cette journée et une thématique fort intéressante » selon Michel André professeur, bioacousticien, directeur de la bioacoustique appliquée à l’Université Technique de Catalogne Barcelonatech (UPC). « S’il y a bien un sens que les espèces vivantes ont en commun, c’est l’ouïe et c’est grâce à cela que nous pouvons prendre le pouls de la nature. Nous pouvons ainsi utiliser la technologie pour écouter la nature et notamment sous l’eau. »
Comment la grande plaisance peut-elle contribuer à limiter les effets de la pollution sonore sur l’environnement marin ? « Pour pouvoir agir dans les régions reculées telles que l’Antarctique ou l’Arctique, nous devons avoir en notre possession une base de données et c’est la que les navigations nous sont utiles. Les relevés sonores nous aident à avoir un état des lieux de la biodiversité. »
Couronné de succès, ce 11e Symposium Environnemental a une nouvelle fois réuni les acteurs de la chaîne du yachting, conscients que la mutation du secteur se fera en concertation avec le monde scientifique. Une évolution qui fait écho à la marque ombrelle collective « Monaco, Capital of Advanced Yachting » lancé ce jour en présence de S.A.S le Prince Albert II aux côtés de nombreuses entités monégasques.
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