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Rencontre avec Jean-Yves Brun, gardien du canot automobile Rex II (1949)

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La Monaco Classic Week réunit chaque année des propriétaires animés par la même conviction : préserver et transmettre un patrimoine maritime naviguant en guise d’héritage. Tous partagent un respect profond pour leurs unités, qu’il s’agisse de voiliers de tradition, de motor-yachts d’époque ou de canots automobiles anciens. Chacun incarne, à sa manière, ce lien entre passé et présent. Parmi eux, Jean-Yves Brun, venu à Monaco avec son canot automobile Rex II, offre un témoignage singulier sur la rencontre entre un homme et un bateau qui a marqué l’histoire.

Une rencontre écrite d’avance

Il préfère parler du bateau que de lui. « C’est lui la vedette », confie d’emblée Jean-Yves Brun. À l’entendre, ce canot automobile d’exception, le Rex II, l’a choisi plus qu’il ne l’a choisi lui. Un coup de destin, comme un rendez-vous écrit d’avance. Passionné de voitures et de voile, l’homme se décrit avec modestie comme un simple « passeur du temps », chargé de prolonger l’histoire d’une unité au pedigree unique.

Rex II, un canot né pour marquer l’histoire

Construit en 1949 par Frantz Liuzzi, charismatique fondateur d’un chantier à Neuilly-sur-Seine, Rex II a été pensé pour incarner l’excellence. Liuzzi, que certains considéraient comme le « Christian Dior du bateau », concevait chaque modèle sur commande, sans stock, livrant ses créations avec la même aura qu’un couturier présentant sa collection. Ses runabouts en acajou massif, aux lignes racées, équipaient les plus fortunés et les amateurs de vitesse, séduits aussi par les puissants moteurs BPM, développés par d’anciens ingénieurs de Ferrari.

Rex II a appartenu à Charles Van Praet figure du Havre, pilote automobile et aviateur, qui enchaîna records et victoires à son bord, notamment au Meeting de Monaco en 1956. L’histoire raconte qu’à cette occasion, le prince Rainier l’invita à son mariage avec Grace Kelly. En 1957, Van Praet s’illustre encore en remportant les championnats d’Europe à Monaco, avant qu’une avarie à Cannes, l’année suivante, ne mette fin, pour un temps, à la carrière sportive du bateau.

Une renaissance inattendue

Longtemps remisé, Rex II renaît dans les années 1990 grâce à son fils, Jean-Georges Van Praet, qui le restaure pour l’offrir à son père. Puis, après plusieurs décennies dans une collection privée, il réapparaît en vente aux enchères. C’est là que Jean-Yves Brun entre en scène. « Quand j’ai découvert ce bateau, son histoire m’a ému. Sa ligne, sa conception… tout me parlait. Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous et on avait rendez-vous », confie-t-il. Et pour cause : Rex II est une véritable pièce d’orfèvrerie navale. Construit en acajou massif, en double bordé croisé, riveté au cuivre, il reflète la patte unique de Frantz Liuzzi, qui privilégiait rigidité et légèreté. Sous son capot, le moteur BPM de 150 chevaux raconte une autre épopée. Issu de l’ingéniosité de Botta et Puigcelli, deux anciens ingénieurs Ferrari, ce bloc marin de 2,8 litres, 4 cylindres a fait tomber plusieurs records mondiaux. Dès 1949, Rex II flirtait avec les 96 km/h, puis franchissait la barre symbolique des 100 km/h. Son arc-en-ciel peint à l’arrière n’est pas décoratif : il rappelle son titre de champion du monde de vitesse.

Une rencontre de respect et d’apprentissage

Aujourd’hui stocké dans un chantier en Bourgogne, Rex II est remis en état pas à pas. Jean-Yves Brun entretient avec lui une relation faite de respect et d’apprentissage mutuel. « J’apprends à le connaître, j’apprends à le piloter. On se découvre mutuellement », glisse-t-il.

Plus qu’un objet, un héritage

Présenté cette année à la 17e Monaco Classic Week, Rex II n’est pas seulement un témoin du passé : il illustre ce lien ténu entre patrimoine maritime naviguant et passion contemporaine. Son propriétaire insiste : « Moi, je ne suis qu’un passeur. Comme pour de nombreux propriétaires passionnés, l’essentiel est que ces bateaux continuent de vivre, de naviguer et d’émouvoir. Rex II incarne ainsi l’esprit de la Monaco Classic Week et la mission du Yacht Club de Monaco : préserver et transmettre l’héritage du yachting, en mer comme à terre.

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