29e Captains’ Forum

Lors de la journée mondiale dédiée à la mer orchestrée par l’Organisation Maritime Internationale, et au lendemain du déjeuner des armateurs, le Yacht Club de Monaco a organisé une nouvelle édition du Captains’ Forum, en réunissant une centaine de capitaines de super-yachts dont la somme linéaire de leurs unités atteignait 4200 m, ainsi que des spécialistes du secteur. Le rendez-vous, qui s’inscrit dans la continuité de la démarche collective « Monaco, Capital of Advanced Yachting », a été le fruit d’échanges passionnants autour de l’image du yachting. En amont de ce 29e Captains’ Forum, une enquête a été réalisée auprès de 130 capitaines de super-yachts, révélant des tendances majeures pour l’avenir du secteur.

« Il est de notre responsabilité de maintenir le secteur du yachting à son niveau actuel tout en réfléchissant aux risques futurs, afin de garantir sa prospérité. Travaillons ensemble pour naviguer vers un avenir durable » a débuté Bernard d’Alessandri, Secrétaire Général du Y.C.M. et Président du Cluster « Yachting Monaco ». « Le Y.C.M. continue de s’affirmer comme un acteur clé dans le développement et la promotion d’un yachting durable. L’un des piliers essentiels de cette mission est son Captains’ Club ». Cette initiative unique réunit plus de 150 capitaines de super-yachts, tous titulaires d’un brevet de Capitaine 500 ou équivalent. Depuis sa création en 2007, ce club a permis de renforcer la collaboration entre capitaines et armateurs, tout en offrant au Y.C.M. une plateforme privilégiée pour partager sa vision et son expertise sur les évolutions du secteur. Cet événement témoigne de l’importance croissante du Captains’ Club, non seulement pour la gestion des défis actuels, mais aussi pour la définition des tendances à venir dans le yachting.

Cristina Ruiz, Responsable des Relations Superyachts au Y.C.M., a ensuite expliqué que « la récente vague d’attaques des groupes de manifestants écologistes sur les yachts dans les marinas a clairement montré que l’industrie doit améliorer son image », et a invité les intervenants à discuter des solutions possibles pour initier un changement.

 

Réflexion sur l’image du yachting et l’importance du leadership

La première session, modérée par Martin Redmayne, fondateur de The Superyacht Group, a tout d’abord donné la parole à Anil Thadani, armateur du M/Y Latitude (45 m) et lauréat des YCM Explorers Awards 2024. Il a partagé sa vision d’un usage responsable des super-yachts, insistant sur le rôle clé des armateurs pour initier le changement. « Poussez vos armateurs. Ne vous contentez pas de garder le bateau au port. Repoussez les limites » a-t-il recommandé aux capitaines présents. « Il s’agit vraiment de découvrir des endroits du monde qui sont autrement inaccessibles, des parties du monde que vous pouvez apprendre à apprécier » poursuit-il, tout en rappelant qu’il est de la responsabilité des armateurs de prouver que le yachting peut contribuer positivement à la société en adoptant des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Martin Redmayne a souligné l’importance de gérer l’image du yachting, aussi bien en interne qu’en externe, et a appelé à une refonte de l’image de l’industrie en racontant des histoires plus authentiques et positives. « Cet été, les réseaux sociaux se sont enflammés. Une série de publicités négatives liées au yachting a eu un tel retentissement que tout le monde se posait des questions ».

Dans la continuité, la session a exploré l’importance du leadership dans la gestion des équipages. Brendan P. O’Brien, capitaine expérimenté, a mené les débats sur les compétences sociales nécessaires à un bon leadership, en soulignant le rôle de l’écoute active. « Le sujet numéro un sur mon agenda en ce moment est la santé mentale des capitaines et des managers. Si nous ne pouvons pas prendre soin de nous-mêmes, comment pouvons-nous prendre soin des autres et comment pouvons-nous communiquer ? » La capacité d’un capitaine à écouter activement et à communiquer efficacement est en effet ce qui distingue un bon leader d’un grand leader. Il a également mis l’accent sur l’importance des soft skills dans la gestion des équipages, un aspect souvent négligé dans le parcours de formation conventionnel des capitaines. Chris Andreason, Directeur de Yacht Management, s’est concentré sur les compétences techniques et sociales, insistant sur la nécessité d’une formation continue dans ce domaine : « Ce n’est pas parce que vous avez obtenu un certificat ou que vous avez lu un livre sur le sujet que vous êtes un bon capitaine. Cela demande du temps, de la réflexion et un apprentissage constant. Je pense que nous devons leur laisser le temps d’exceller. C’est ce que nous devrions faire, exceller, et non pas faire le minimum ».

Innovation technologique et pratiques écologiques dans le yachting

La deuxième partie du rendez-vous, modérée par Alice Williams, Vice-Présidente de Schneider Electric, s’est concentrée sur les défis environnementaux et technologiques des super-yachts : « Depuis 2008, 376 millions de personnes ont été déplacées en raison d’événements climatiques. Et d’ici 2050, 1 milliard de personnes pourraient vivre en danger, en vivant dans des zones côtières. »

 

Vers un yachting plus vert : un impératif pour l’avenir

La discussion s’est ensuite orientée vers la question des bonnes pratiques à bord pour assurer un avenir durable à l’industrie. Pieter Ferreira, capitaine de yachts de plus de 140 m, a lancé un appel à l’action pour rendre le yachting plus écologique en présentant l’initiative Blue Pledge du Y.C.M., une éco-charte développée avec 150 membres du Club des Capitaines : « Il s’agit aussi d’aider l’équipage à agir de manière responsable, écologique, dans l’exercice de ses fonctions, tout en répondant aux exigences des yachts modernes. Et je pense que si cet engagement pouvait être adopté par la

 

majorité des yachts dans le monde, nous aurions une réelle chance de faire la différence ». Le capitaine Ferreira a poursuivi en expliquant que, selon lui, l’avenir du yachting impliquera nécessairement des solutions énergétiques alternatives à zéro émission. Il a défié « les armateurs de yachts, les constructeurs, les sociétés de classification et les États pavillons d’assurer que les yachts deviennent sans émission et que dans les prochaines années, plus aucun yacht fonctionnant au diesel ne soit construit ».

Un point clé de l’enquête menée auprès des capitaines avant le forum est que 62 % d’entre eux considèrent que la protection des océans est essentielle, tandis qu’une majorité voit dans la réglementation environnementale une priorité. 30 % anticipent l’introduction de réglementations plus strictes sur les émissions, soulignant l’importance croissante de la durabilité dans l’industrie. 45 % des capitaines ont souligné l’importance d’adopter des alternatives comme l’hydrogène, les biocarburants et les moteurs hybrides. L’enquête a également révélé que 48 % des capitaines interrogés s’intéressent de plus en plus à des destinations moins traditionnelles telles que le Groenland, l’Antarctique et les îles Galápagos, mettant en évidence l’attrait d’un yachting plus durable et le respect des environnements fragiles. Des inquiétudes ont également été soulevées concernant le professionnalisme des équipages, 26 répondants exprimant des préoccupations sur la qualité de la formation des nouveaux membres d’équipage, en particulier en termes de durabilité.

 

Natalie Quévert, Chef de projet de la Superyacht Eco Association, a présenté le SEA Index®, un standard de référence pour évaluer les émissions de CO2 des navires de plaisance. « Nous devons intégrer les normes environnementales dans la gestion des yachts pour les années à venir », a-t-elle déclaré. « Beaucoup de capitaines en sont désormais conscients. Notre principale mission est de soutenir des armateurs ». Le SEA Index® joue un rôle clé en offrant des solutions pratiques pour évaluer et réduire les émissions des super-yachts. « Ce qui s’est passé très récemment, c’est que nous avons élargi notre champ d’action au-delà de Monaco et que nous avons désormais des partenariats avec 15 ports en Méditerranée, et nous avons également signé un accord avec les Seychelles » a-t-elle conclu.

Après une courte pause, Pietro Borgo, capitaine du projet Moonflower (72 m), a rouvert les discussions avec une présentation sur l’intégration des technologies vertes dans la construction de son yacht. « Il est temps de changer notre état d’esprit en tant que capitaines. Nous avons passé trop de temps à nous concentrer sur le présent et les coûts immédiats. Nous devons maintenant accorder plus d’attention à l’avenir. L’armateur doit avoir une confiance absolue en nous ; nous devons devenir ses conseillers ».

Le capitaine Rainier Roumieh, Directeur de flotte et des nouveaux projets, a partagé son expérience du projet Arrow (77m hybride) et les défis de la construction de yachts hybrides. « Nous devons nous appuyer sur notre expérience tout en incorporant le maximum de technologie disponible car ce qui est nouveau aujourd’hui sera obsolète dans cinq ans. Il est impossible de tout savoir, il est donc vital de constituer une équipe où chaque membre est spécialisé dans une tâche spécifique. L’innovation et l’expérience doivent être alignées pour surmonter les obstacles financiers et technologiques, tout en répondant aux attentes des armateurs ». Il a évoqué les nombreux défis, y compris l’évolution rapide des technologies et la gestion des coûts. « Construire un yacht est très coûteux et nous devons être attentifs à la situation financière du chantier naval pour éviter les dépassements de budget ».

Le capitaine Sean Rysenbry, responsable du catamaran hybride-électrique M/Y Seawolf X (42,75 m), a expliqué comment l’intelligence artificielle est utilisée à bord pour optimiser la consommation d’énergie : « Avec l’IA, nous pouvons analyser en temps réel l’utilisation de l’énergie et réduire les pics de consommation en ajustant les équipements ». Il a ajouté que l’objectif de leur projet est de démontrer que « le yachting et l’écologie peuvent coexister » grâce à une gestion optimisée des ressources, comme l’utilisation de panneaux solaires et de batteries permettant à un yacht de fonctionner à 100 % en mode électrique. Il est important de noter que 60 % des capitaines interrogés prévoient un rôle essentiel pour l’IA et les systèmes automatisés de navigation et de gestion au cours des dix prochaines années.

Un forum tourné vers l’avenir

Le 29e Captains’ Forum a mis en évidence un consensus parmi les capitaines : le secteur du yachting doit évoluer rapidement pour répondre aux attentes écologiques et sociales du 21e siècle. Le Captains’ Club constitue un forum unique où les capitaines, en première ligne des opérations de yachting, peuvent partager leurs expériences de terrain. Ce lien privilégié avec le Y.C.M. permet d’aborder des questions cruciales telles que la durabilité environnementale, les innovations technologiques, et le renforcement de l’image du yachting dans un contexte d’attaques écologistes.

Les professionnels se retrouveront le 9 octobre prochain à l’occasion du Winter Pop-Up du Cluster « Yachting Monaco », une véritable plateforme de rassemblement et de dialogue auprès des autorités de décision, uniquement destiné aux acteurs du Yachting et qui comptabilise à ce jour 90 sociétés membres.