10e Monaco Energy Boat Challenge | 5-8 juillet 2023

Vendredi 7 juillet 2023. La 4e table ronde du groupe de travail monégasque sur l’hydrogène du vendredi 7 juillet, organisée en parallèle du Monaco Energy Boat Challenge et soutenue par la Fondation Prince Albert II et la Mission pour la Transition Énergétique, a rassemblé l’ensemble de l’écosystème, des autorités publiques et organismes de certification aux développeurs de générateurs et des motoristes, en passant par des architectes navals et des chantiers, tous impliqués dans un objectif commun: faire de l’hydrogène un des vecteurs clés de la décarbonation du maritime, quelles que soient les solutions adoptées — qui sont nombreuses !

La première séquence s’est attachée à faire le point de l’évolution récente de la « société hydrogène », sur le développement d’infrastructures de production et distribution adéquates, le lancement de nombreux projets appliqués, et aussi le potentiel de l’hydrogène sur le marché de l’énergie. Anne-Marie Perez, directrice du pôle de compétitivité Capénergies pour la région Sud, a ainsi pu montrer l’accélération de sa mise en place, grâce à l’action combinée des pouvoirs publics et des entreprises privées, grandes et petites, et de la recherche. En région Sud bien sûr mais aussi partout en Europe.

Paul Lucchese, du CEA et qui dirige la chaire hydrogène de l’IEA TCP, a expliqué comment le potentiel marché de l’hydrogène dans le maritime devait faire avancer de concert différentes options quant à son utilisation: qu’il s’agisse de la transformation de l’ammoniaque ou du méthanol, de l’utilisation directe via des piles à combustible ou encore de l’adaptation de moteurs à combustion interne, chaque solution peut s’avérer pertinente et adresser différents segments de marché, pour autant qu’elles acquièrent chacune un niveau de maturité à la fois technologique et commercial satisfaisant, ce qui n’est pas encore le cas pour toutes. Martin Camus, Coordinateur des Projets hydrogène chez LMG Marin, l’a confirmé lors de sa présentation des différentes technologies possibles: il n’y a de solution miracle qui fonctionne pour toutes les applications ; si aujourd’hui les piles MEP basse température ont fait la preuve de leur durabilité, efficience et fiabilité, les travaux sur les piles haute température et les piles SOFC (solide oxyde fuel cells) pourraient aussi, à terme, permettre d’élargir le spectre des applications, pour une meilleure efficience ou une plus grande flexibilité dans les « carburants » hydrogène utilisés — sa pureté étant aujourd’hui un point clé.

Du côté des industriels qui équipent les bateaux en générateurs électro-hydrogène, le choix est déjà fait, même si rien n’est figé. Qu’il s’agisse de Thomas Grosjean, Responsable ingénierie marine chez Hélion (Alstom), de Christian Vinther, Responsable division marine chez Ballard, de Jérémie Lagarrigue, CEO d’EODev, ou de Jules Billiet, CEO d’Inocel, tous suivent finalement une stratégie assez similaire: s’appuyant sur la validité de l’existant, qu’il s’agisse de piles MEP à membrane polymère ou métallique, ils partent d’une brique de base pour, une fois celle-ci certifiée, pouvoir développer des solutions intégrées et facilement intégrables aux navires en vue de fournir des puissances modulaires selon les besoins ; afin aussi d’accélérer l’adoption de technologies hydrogène éprouvées. Les projets en cours de construction sont d’ailleurs nombreux, et les livraisons ont commencé — quand, il y a 5 ans, lors de la première édition, la plupart n’étaient que des prototypes sur papier. Mais tous reconnaissent également que cette (r)évolution prend encore du temps, car les contraintes externes restent nombreuses, en particulier sur les questions du stockage de l’hydrogène, de l’absence d’infrastructures d’avitaillement, et de lenteur de la mise en place réglementaire, inexistante auparavant ; tout en s’accordant sur le fait que les choses avancent enfin vraiment, les organismes de certification ayant désormais validé leurs cahiers de charges. Les projets vont ainsi pouvoir se multiplier — même si le volet pédagogique est toujours aussi nécessaire, et que les coûts associés restent importants.

Pour les motoristes, représentés lors de cet atelier par les mastodontes de l’industrie maritime que sont Volvo Penta et Roll-Royce MTU, on ne fait pas qu’observer cette évolution. Tous travaillent sur le sujet, et en particulier sur le principe de l’utilisation de l’hydrogène en combustion directe, une solution qui offre de belles promesses pour le refit de bateaux existants, entre autres. Suite à la présentation technique effectuée par François Michelet, Business Line Manager chez FEV, qui a permis de comprendre les défis de cette technologie, en particulier sur l’apport en oxygène, l’allumage, l’injection et le retraitement des émissions, Nicola Pomi (Directeur de la division Yachts chez Volvo Penta) et Dr. Daniel Chaterjee (Director Sustainability, Technology Strategy & Regulatory Affairs, Rolls-Royce) ont montré comment la technologie était au point, mais que son adoption restait, elle aussi, dépendante de problématiques à la fois infrastructurelles et de disponibilité de carburants « verts » type bio-méthanol, produit à partir de biomasse et au potentiel quantitatif limité. Cela n’empêche cependant pas le chantier Sanlorenzo de justifier l’utilisation de celui-ci, couplé à un vapo-réformeur pour la production d’hydrogène à bord. Présenté par Paolo Bertetti, Vice-Président R&D, le yacht de 50m qui sera dévoilé en septembre 2024 lors du MYS, a fait ce choix car c’est, selon lui et à l’heure actuelle, la meilleure option possible pour répondre aux contraintes de densité énergétique, autonomie, volumes et masses de stockage, des critères essentiels dans les cahiers des charges de tout navire. Où l’on voit bien, à nouveau, que le labyrinthe des options, tel qu’il l’a présenté et que plusieurs des intervenants ont souligné, oblige à faire des choix qui restent des compromis mais permettent malgré tout de faire avancer à la fois la décarbonation du maritime et l’adoption de l’hydrogène comme vecteur essentiel de celle-ci.

La dernière table ronde, consacrée au passage de la conception à la confrontation avec la réalité pratique lors de l’intégration des solutions hydrogène à bord, s’est largement faite l’écho de toutes ces problématiques. Si Engel de Boer, Directeur de la division Yachts chez Lloyds Register, a insisté sur l’évolution positive de la partie réglementaire, et la collaboration qu’il peut y avoir entre les sociétés de classe et les industriels pour accélérer le déploiement de l’hydrogène à bord des bateaux, les autres intervenants continuent de mettre en avant les limitations rencontrées — mais aussi la créativité engendrée pour pouvoir y répondre. A ce titre, Espen Oeino, architecte naval travaillant sur un projet de ferry norvégien, ou Chloé Zaied, directrice générale d’Ephyra, se sont fait les avocats d’une production d’hydrogène la plus localisée possible, au plus près des besoins, tout en regrettant bien sûr le manque de projets d’infrastructure d’avitaillement dans les ports. Présentant plusieurs bateaux professionnels en construction, Victor Laravoire, Chef de Projet chez LMG Marin, a lui mis en exergue la spécificité de chaque projet, expliquant comment chaque intégration est particulière, en fonction tant de la technologie utilisée que du type de carburant hydrogène envisagé : faisant écho aux propos des industriels, il a démontré que si la notion de prototype R&D est désormais dépassée, le « sur-mesure » et les coûts des solutions existantes restaient encore un frein certain à un déploiement plus large, malgré l’importance des soutiens publics apportés.

Enfin, l’édition de cette année aura également permis à deux projets portés par des universités participant au Monaco Energy Boat Challenge d’être mis en avant devant l’assemblée des professionnels : Matthieu Verville, pour Exocet a pu expliquer comment Polytechnique Montréal (Canada) avait axé ses recherches sur l’amélioration de la transformation du méthanol en hydrogène par vaporeformage, afin d’aboutir à la fois à un prix de revient de moins de 2€ le kilo, une réduction de 94% des émissions de CO2 lors du processus et un baisse de la consommation d’énergie de 82% ; et Simon Dorther a lui expliqué comment l’équipe suisse Swiss Solar Boat (EPF Lausanne) s’est attelée au développement d’un bateau hydrogène volant, prévu pour 2025, qui n’est pas sans rappeler celui présenté par Bluegame lors de la conférence de la veille ! Une belle démonstration que dans le domaine du développement de ces solutions d’avenir, l’industrie et l’université sont bien à la croisée des chemins, et que l’Energy Boat Challenge en est peut-être une de ses plus belles illustrations.


Plus d’infos sur :
www.energyboatchallenge.com Contacts Presse : Yacht Club de Monaco
Tél : (+377) 93 10 64 09 – E-mail : presse@ycm.org