14ème Symposium Economique – Jeudi 3 février 2022

 

Rendez-vous annuel de l’industrie du yachting, le Symposium Economique « La Belle Classe Super-yachts », organisé par le Yacht Club de Monaco aux côtés de Credit Suisse permet d’analyser le secteur, ses évolutions, ses enjeux et ses problématiques, mais aussi de réunir armateurs et professionnels. Fédérant tous les acteurs leaders de la chaine mondiale de l’industrie de super-yachts, cet évènement s’inscrit dans la démarche « Monaco Capitale du Yachting ».

Une soixantaine de participants étaient venus échanger sur la manière dont l’industrie évolue et s’adapte aux problématiques environnementales, démontrant la prise de conscience de l’industrie à cet égard. Pour cette quatorzième édition, la question du « retrofit » était au cœur des débats.

Le yachting vert s’affirmant comme l’avenir du secteur, les armateurs ont à faire un choix entre devenir propriétaire d’un yacht « durable » ou rénover le leur. Une modernisation qui est aujourd’hui inévitable : d’ici 5 à 10 ans, un certain nombre de zones, notamment côtières, ne seront plus accessibles aux navires fonctionnant au diesel.

« Les acteurs du Yachting sont mobilisés pour amorcer le changement de l’industrie. La mobilisation dont ils font preuve pour faire évoluer le secteur est très encourageante » a commenté Bernard d’Alessandri, Secrétaire Général du Y.C.M. et Président du Cluster « Yachting Monaco ».

 

 

UNE FLOTTE CONSÉQUENTE À RENOUVELER

« En 2021, 668 nouveaux super-yachts sont venus grossir les rangs d’une flotte déjà conséquente, soit une augmentation de 3,2% » débute Miranda Blazeby, rédactrice en chef de Boat International. Le secteur de la Grande Plaisance se porte très bien puisque 1024 projets sont d’ores et déjà enregistrés comme étant actuellement en construction. Des chiffres qui font cependant également état d’une flotte vieillissante puisque l’âge moyen d’un super-yacht en 2022 atteint désormais 23 ans.

Un yacht vieillissant est donc un yacht qui devra de tout évidence se renouveler tôt ou tard. Certains ont déjà débuté leur mue à l’image des S/Y Juliet (43 m) et Foftein (30 m) « qui ont tous deux changé leur motorisation pour une propulsion hybride au chantier naval Royal Huisman aux Pays-Bas » poursuit Miranda Blazeby.

 

QUELLES AMELIORATIONS ?

« Aujourd’hui, tous les acteurs de l’industrie sont demandeurs d’un changement » rebondit Jamie Edmiston, Chief Executive chez Edmiston. 75% des yachts parcourent de petites distances, et peu font de longues navigations transatlantiques, quand ils ne sont pas transportés d’un lieu de villégiature à un autre. Il faut donc analyser la réalité du terrain pour dimensionner correctement les besoins en énergie.

Réduire l’empreinte carbone d’un yacht peut s’opérer de différentes manières, en changeant le diesel par du bio-carburant, en changeant les générateurs afin de mieux les dimensionner en fonction de l’utilisation du navire, ou encore en se tournant vers un éclairage LED ou en limitant l’utilisation excessive de l’air conditionné qui utilise une grande quantité d’énergie. Et si l’utilisation de piles à combustible hydrogène est vue comme une alternative idéale sur le long terme, mais que d’aucuns n’estiment pas forcément suffisamment mature, il existe aussi des solutions intermédiaires, comme les piles au méthanol.

Il est aussi évident que la course à la vitesse est un frein majeur à la décarbonation de la Grande Plaisance. D’anciennes unités à moteur bien dessinées, naviguant à la vitesse convenable de 12 nœuds, sont moins polluantes que nombre de super-yachts modernes dont les besoins de puissance sont exponentiels, comme la consommation de carburant permettant de gagner quelques nœuds.

Mais le « retrofit » n’est pas qu’une histoire de propulsion. Le procédé concerne le yacht dans son intégralité. D’autres pistes sont encore à exploiter et il existe des dispositifs modernes à faible consommation d’énergie, par exemple des installations de traitement des eaux sans rejet, l’utilisation de matériaux à faible impact lors du carénage, tel que des peintures à faible teneur en COV (composés organiques volatils) ou des antifoulings non-biocides, sans oublier des alternatives à l’utilisation du teck, comme le liège.

Le développement du « retrofit vert » est ainsi un marché à fort potentiel. Tanguy Ducros, Chief Commercial Officer – Monaco Marine est revenu sur les conditions à remplir pour réaliser un refit d’un navire. « Il faut que le propriétaire soit prêt à réaliser ce projet, que le yacht puisse accueillir de nouveaux systèmes en termes d’espace et de poids, que le chantier naval applique des règles environnementales strictes et que la législation suive. »

« L’humain est un facteur fondamental », note Roberto Giorgi Executive Chairman – Fraser. « Il n’y a pas que l’armateur qui est concerné par le changement, il faut aussi sensibiliser les capitaines et les équipages. »

« 10% de l’impact environnemental provient de la construction du yacht » poursuit Paris Baloumis, Marketing Manager – Oceanco. « Un chantier peut déjà changer la donne en refusant d’utiliser tel ou tel matériau. Je pense notamment à l’acier qui est très polluant à produire. »

« La question est aussi de savoir comment concevoir un yacht qui sera toujours utilisable dans 5 ou 10 ans » interpelle Farouk Nefz Chief Marketing – Feadship. « Cela fait partie des problématiques qu’il faut anticiper».  Quelle sera alors la valeur d’un yacht qui fonctionne encore au diesel et ne peut plus naviguer dans certaines zones très prisées ? Chez Oceanco, précise Paris Baloumis, « Nous n’acceptons plus de projets de construction de bateaux qui ne seraient qu’à motorisation diesel ».

A noter enfin l’influence non-négligeable que peut avoir l’intelligence artificielle dans la conception d’un bateau afin de l’optimiser. « Il est plus facile de naître éco-responsable que de le devenir » note pour sa part Oscar Romani de chez Benetti. « Le recyclage d’un yacht sera l’une des clés de l’avenir. »

 

 

INVESTISSEMENT DES ACTEURS

Rob Papworth operations director – MB92, chantier naval de La Ciotat, a quant à lui fait part de son expérience du terrain. « Nous essayons d’apporter des réponses innovantes à travers des investissements réalisés dans les installations du chantier mais aussi dans les techniques et pratiques de modernisation des navires » poursuit-il. « Si les nouvelles constructions sont capables de réduire leur impact environnemental de 40 %, cela représenterait une réduction de moins de 4 % pour l’ensemble de la flotte au cours des cinq prochaines années, ce qui n’est pas suffisant. Les yachts ne sont pas des voitures et ne passent pas toute leur vie en mouvement. En moyenne, ils passent moins de 15 % de leur temps en mer. »

Les efforts engagés doivent se poursuivre si l’on veut réduire les pollutions « quelles qu’elles soient » estime pour sa part Michel Buffat, Head Aviation & Yacht Finance, Credit Suisse « que ce soient des gaz d’échappement « classiques », des eaux usées (eaux noires/grises), des déchets solides, de la pollution sonore. » Il est également essentiel de ne pas se focaliser uniquement sur les yachts neufs car « les nouvelles livraisons ne représentent qu’une petite partie de la flotte totale et l’effet de réduction des émissions sur la flotte globale est minime. Il faut intégrer l’idée que la masse fait la différence. »

Les chantiers et les armateurs investissent des solutions technologiques pour faire bouger les lignes.  D’autres industries se mobilisent pour opérer ce changement, telles que l’automobile ou encore l’aviation où les émissions sont calculées lors de l’utilisation et leur intensité est évaluée en gramme de CO2 par passager et par kilomètre. « Dans le yachting, nous utilisons désormais le Sea Index lancé en 2020 avec le Yacht Club de Monaco. Ce référentiel cible les yachts de plus de 40 m permettant d’évaluer les émissions de CO2, les systèmes de propulsion et les générateurs. »

Les acteurs de l’industrie s’accordent à dire qu’il faut agir dès à présent : un changement qui concerne l’ensemble des infrastructures, et pas seulement la construction des yachts « les marinas aussi doivent être prêtes à accueillir ces nouveaux bateaux et doivent de facto s’adapter » note Roberto Giorgi.

« Nous détenons tous les atouts à travers l’ambition Monaco Capitale du Yachting pour mener à bien ce changement. Il est essentiel de le réaliser tous ensemble et pas seulement en subissant la législation » intervient Paris Baloumis. Il s’agit donc d’une responsabilité collective pour amorcer un tel changement.

« Ce soir, nous avons eu l’occasion de discuter ensemble de ce qui nous préoccupe. Demain, nous serons à nouveau tous en concurrence. C’est à ce moment qu’il faudra nous souvenir de ces moments d’échanges. Brokers, capitaines, chantiers navals, et tous les acteurs de l’industrie (…), essayons de travailler main dans la main » a conclu Maurizio Magri, Chief Commercial Officer – Wider.

Un véritable appel adressé aux acteurs de la Grande Plaisance à se réunir autour de la démarche de Monaco, Capitale du Yachting dont l’ambition est d’affirmer la position de la Principauté comme un pôle d’excellence dans ce secteur.

Après son Symposium économique « La Belle Classe Super-yachts », le Y.C.M. mettra le cap sur la 5e édition de la Monaco Ocean Week. Organisée à l’initiative de la Fondation Prince Albert II de Monaco aux côtés de l’Institut océanographique de Monaco, le Centre Scientifique de Monaco et le Yacht Club de Monaco, ce rendez-vous permet de dédier une journée au Yachting qui se tiendra le jeudi 24 mars.

Le programme s’annonce riche avec le 11e Symposium Environnemental « La Belle Classe Superyachts » suivi d’une table ronde dédiée au 9e Monaco Energy Boat Challenge avant de conclure par la cérémonie des YCM Explorer Awards by La Belle Classe Superyachts.

 

Quelques chiffres :

  • 668 : nombre d’unités de plus de 40m livrées en 2021
  • 40km : la longueur totale des super-yachts en construction à début 2022
  • 2431 : nombre de super-yachts qui ont changé de propriétaires depuis 2016