Monaco, 22 septembre 2020

 

En présence de S.A.S. le Prince Souverain Albert II, Président du Y.C.M., cinq intervenants ont exposé les différentes opportunités des solutions hydrogène pour apporter aux armateurs une alternative à l’utilisation du diesel, afin de propulser leurs unités et/ou fournir l’énergie nécessaire à la vie à bord, sans émission et sans bruit.

 

Jérémie Lagarrigue, CEO d’EODev, a commencé la conférence par quelques explications sur la situation actuelle de l’environnement, le niveau d’émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique, afin de comprendre l’importance et l’urgence de la transition énergétique. Après avoir rappelé le fonctionnement d’une pile à combustible et dévoilé son implantation à bord d’Energy Observer en collaboration avec Toyota, il a mis en évidence les avantages de l’hydrogène face au diesel mais aussi en comparaison de systèmes « tout électrique » utilisant exclusivement des batteries. Il a également expliqué comment l’hydrogène est un vecteur qui permet de stocker comme de transporter de l’énergie, pour la restituer sous forme d’électricité, et comment l’hydrogène s’inscrit dans une stratégie de combinaisons d’ENR, en fonction des profils d’utilisation.

Pour le maritime, Jérémie Lagarrigue a démontré le potentiel et la validité à la fois technologique, environnementale et économique des solutions hydrogène, prenant entre autres l’exemple du premier tender électro-hydrogène présenté par HYNOVA, bateau inédit de 12 mètres dont la propulsion a été conçue par EODev, et dont le prototype était exposé sur la terrasse du Y.C.M.

La transition énergétique dans le domaine de la grande plaisance passe ainsi par différentes combinaisons possibles, y compris des hybridations diesel-hydrogène-électrique. Enfin, il a explicité les problématiques liées au stockage et à l’acheminement de l’hydrogène, insistant sur le besoin de développer les infrastructures, d’implanter des stations sans être trop contraints par de longs délais administratifs. Pour répondre à ces enjeux à court terme, EODev propose d’ailleurs l’implantation de STSH2 (Station SHip H2), plate-forme de production et de distribution d’hydrogène flottante.

 

Mettant en avant la maturité de ces technologies, Jostein Bogen, Directeur du programme hydrogène chez ABB, a expliqué comment l’hydrogène devrait à terme être un maillon essentiel de la décarbonation du frêt maritime, pour des puissances moyennes à fortes qui peuvent aussi s’appliquer aux super-yachts. Il a néanmoins insisté sur les variantes possibles de son utilisation, et sur une transition progressive via une combinaison de l’hydrogène avec d’autres carburants comme les bio-fuels ou l’ammoniaque.

 

Cyril Dufaut-Senso, CEO d’HY2GEN, société spécialisée dans la production de carburants décarbonés, a poursuivi en explicitant les modes de fabrication de l’hydrogène, et les différences entre l’hydrogène gris, produit à partir d’énergie fossiles, et l’hydrogène « vert » produit à partir d’ENR — celui-là même vers lequel tout le monde veut tendre, mais qui ne représente aujourd’hui que moins de 5% de la production totale d’hydrogène. Il a aussi présenté l’usine de production d’hydrogène vert SUNRHYSE à partir d’une ferme de panneaux solaires dans le Var, qui pourra approvisionner l’ensemble de la région PACA jusqu’à Monaco, avec une distribution par camion zéro émissions, pour une capacité totale de 12 tonnes d’hydrogène vert par jour à horizon 2024.

 

Enfin, Dirk de Jong d’Oceanco et Simon Brealey de Lateral Engineering ont montré par l’exemple comment des solutions sont déjà envisageables sur des mega-yachts avec l’utilisation d’hydrogène liquide, cryogénisé à -253°C. La comparaison entre les données techniques du projet Aqua et un yacht de jauge et taille similaires comme Lady Eugenia (109 m) a ainsi mis en évidence que l’espace dévolu aux aménagements était réduit d’environ un tiers, et que le yacht pouvait perdre quelques nœuds en vitesse de pointe ou de croisière.

 

Pour l’ensemble de ces experts, la problématique première reste la gestion des volumes de stockage. Alors que l’hydrogène à usage automobile est stocké à 700 bar, il n’est autorisé qu’à 350 bar aujourd’hui dans le maritime, ce qui n’est pas suffisant pour le rendre pratique. Si d’autres solutions de stockage à température et pression ambiantes existent déjà, telles que le LOHC (Liquid Organic Hydrogen Carrier) ou LIHC (Liquid Inorganic Hydrogen Carrier), ces technologies ne sont pas encore suffisamment matures ou valables économiquement pour être déployées à grande échelle. C’est toute la problématique rencontrée également sur des grands cargos ou porte-containers tels que ceux exploités par CMA-CGM. Utilisant une démonstration par l’absurde, Erwan Jacquin a expliqué comment, aujourd’hui, il aurait besoin de l’énergie fournie par 150 éoliennes pour fabriquer et alimenter en hydrogène un seul de ses navires, stocké dans près de 50% du volume utile du bateau avec une compression à 350 bar.

 

Néanmoins, tous s’accordent à dire que certaines solutions sont déjà viables, et que les limitations techniques restantes pour un déploiement plus large seront rapidement résolues, sur un horizon de 3 à 10 ans selon les procédés de stockage envisagés — ce qui peut être le temps de la construction d’un grand yacht depuis le premier coup de crayon. En parallèle, ils insistent sur la nécessité que les réseaux de distribution soient démultipliés rapidement ; et mettent en avant la rentabilité économique future des investissements, en particulier pour une utilisation maritime fortement consommatrice d’énergie.  En résumé, comme le soulignait Jérémie Lagarrigue en conclusion de sa présentation, « it’s time to shift » — que l’on pourrait développer en : « il est temps de passer à l’acte et de basculer vers l’hydrogène ». Une formule qui fait écho aux propos de Bernard d’Alessandri plus tôt dans la journée lors de la présentation du SEA Index, et la promesse d’un avenir responsable dans l’univers de la grande plaisance.

 

 

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