Les nouvelles du bord – Expédition Sir Ernst

La navigation le long de la Patagonie argentine a été plus difficile que prévu.
Dans cette région, sur près de 1500 milles, les conditions météorologiques sont extrêmement variables et peuvent devenir rapidement difficiles. A l’ouest, les Andes font obstacle aux perturbations, les masses d’air précipitent au vent et se retrouvent asséchées lorsqu’elles débouchent sur la pampa. Rien ne les arrêtent sur plusieurs centaines de kilomètres et les coups de vent peuvent être violents  lorsqu’elles arrivent sur la mer. Les mouillages pour s’abriter sont peu nombreux et souvent exposés comme nous avons pu l’expérimenter. Dans le sud, les rares ports sont très difficilement accessibles , coincés au fond d’estuaire avec des bancs de sables évoluant sans cesse. Le marnage peut être important et entraîne de forts courants. Au fur et à mesure de la descente vers le sud, les vents de Sud-Ouest qui soufflent au passage d’un front froid peuvent remonter assez nord et engendrer des coups de vents durant généralement une douzaine d’heures. C’est dans ce contexte que  la durée de notre traversée s’est quelque peu allongée.

Mais quelque part non loin de la Terre de Feu, un île nous est apparue. Nous ne la nommerons pas . Sa visite nécessite des conditions d’accès clémentes, et donc rares à cette latitude. Elle n’est plus autorisée pour des raisons administratives . Mais si vous avez lu Jules Verne, nul doute qu’un certain phare vous permettra d’accumuler assez d’indices pour l’identifier.

Les marins de tous temps ont redouté ses parages. Ils devinent sa présence et redoutent de l’approcher car ses courants ont très mauvaise réputation…

Et lorsqu’elle veut bien se laisser entrevoir, son air sinistre n’engage pas le marin à venir y relâcher. Mais Eole a fait une faveur à notre « Sir-Ernst ». Un flux de NE nous propulsait vers le détroit de Le Maire. Elle était là, non loin de notre route. Un épais brouillard empêchait d’apercevoir la côte. Mais au loin, ses sommets éclairés par le soleil nous laissaient présager une belle journée. Comme par hasard, nous avions besoin de nous arrêter. Nécessité oblige, en cas de contrôle par les 4 marins argentins qui stationnent dans l’unique base de l’île, nous avions notre prétexte pour y mouiller brièvement.

Replonger vous dans la lecture du roman de Jules Verne « le phare du bout du monde ». le deuxième chapitre vous offrira une description savante et remarquablement détaillée de sa géographie, sa faune et sa flore. Vous aurez envie de connaître la vraie histoire de la construction du phare dans les années 1880 par des forçats argentins. La plupart périrons et seront enterrés non loin du site qui fut pour eux le lieu d’un effroyable calvaire.

Le français André Bronner, dit « Yul »  tomba amoureux de cette île. Après avoir consacré  de nombreuses années de sa vie à sa reconstruction, il réalisa une traversée épique de l’île en solitaire. Il construisit également une réplique de ce phare  à la Rochelle.

Le phare de San Juan del Salvamento en 1898

Le séjour de « Sir-Ernst » fut bref. Nos réparations rapidement effectuées nous permirent de profiter de deux journées calmes dont une ensoleillée. Peut être une des rares de l’année !

La traversée du détroit de Le Maire se fit de nuit . la météo annonçait des calmes. Nous avons eu 25 nds ; c’est la conception de la « pétole » dans ces parages !
Ushuaia fut enfin rallié inextrémis, la  jauge du réservoir de gasoil n’indiquait plus qu’un pour cent, lors de notre amarrage.
La préparation de notre voilier finalisée, il ne nous reste plus qu’à repartir.
L’Antarctique est proche …

Hervé