Les nouvelles du bord – Expédition Sir Ernst
Vendredi 28 janvier. Il est 22 h je prends mon quart. Aujourd’hui le Cap Horn nous a laissé passer en nous faisant bénéficier de conditions particulièrement clémentes.
Nous sommes partis à 5 heures ce matin de la caleta Delegada sur la cote argentine du canal de Beagle située près de l’estancia Haberton. Cette estancia a été crée par l’ex missionnaire Thomas Bridges en 1887, qui a officié à Ushuaïa auparavant. Thomas Bridge et sa famille ont appris à connaitre les indiens Yaghan, à apprécier les nuances de leur langue ainsi que leur adaptation à ce milieu si hostile à l’homme civilisé. Thomas les a respecté, et a rédigé le premier dictionnaire Yaghan. Aujourd’hui l’estancia est un site historique qui reçoit du public et accueille des hôtes pour déjeuner et diner. Lucas, un de ses fils, a écrit un merveilleux ouvrage qui retrace tous les détails de leur histoire « Aux confins de la terre: Une vie en Terre de feu ». Lucas a grandit avec les Yaghans, puis a développé l’exploitation familiale en employant des indiens. Dans ce livre il relate la cohabitation de leur famille avec les Yaghans et les autres tribus des environs.
La journée a été maussade. Il a crachiné la plupart du temps, mais nous avons pu observer beaucoup de pétrels et d’albatros posés sur l’eau faute de vent. Certains, sur notre route, nous ont fait des démonstrations de laborieux décollages. Nous sommes conscients que nous les obligeons à fuir notre passage mais ne pouvons nous dérouter pour chaque oiseau.
Nous avons aussi aperçu une baleine à quelques centaines de mètres et entendu son souffle. Nous sommes impatients de les retrouver en Antarctique.
En soirée, nous avons approché le Cap Horn par le Nord à travers l’archipel des Iles Wollaston pour passer au plus près. Le phare flanqué sur la partie Est de l’ile nous est apparu en premier. C’est l’un des derniers phares à être gardé toute l’année par des représentants de l’Armada Chilienne qui sont affectée une année complète avec leur famille à cette mission. La pluie s’est arrêtée et le soleil est sorti, nous permettant d’admirer le rocher du Cap Horn qui culmine à 426 m dans un décor de nuages et clairs obscurs caractéristiques de la Patagonie et de la Terre de feu. Comme pour saluer le début de notre traversée vers le continent blanc, un groupe de dauphins est venu nous offrir une série de pirouettes. Il nous ont escorté un moment comme pour nous dire allez y les gars! C’est par là!
Quel cadeau nous a offert « Mère Nature » ce soir !
Avec une quinzaine de nœuds de vent, au petit matin, des albatros plus grand ont fait leur apparition. Dans leur ballet caractéristique, ils réalisent des passages en majestueux planés à quelques mètres de notre Sir Ernst. Est ce une curiosité de leur part? Attendent ils un bout de poisson qu’un pêcheur pourrait rejeter? Au bout d’un moment, ils s’éloignent et disparaissent à l’horizon.
Nous abordons cette traversée sous les meilleurs auspices. Sir Ernst est parfaitement adapté à ce voyage qu’il a déjà effectué deux fois. Il est en parfait état.
L’équipe, François, Hervé, Philippe et moi sommes tous en forme et en symbiose.
La suite à l’arrivée dans les glaces.
Fabrice
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