Expédition Sir Ernst

 

Brecknock, Coloane, les 1000 cascades, et bien d’autres … Ces noms de caletas situées tout au sud des canaux de la Patagonie Chilienne continuent de nous faire rêver depuis nos premières visites. Au point d’y retourner. Et depuis 10 jours nous naviguons dans un des lieux les plus exceptionnels de la planète. A notre début de séjour, la neige est tombée durant la nuit et a permis de tapisser tous les sommets et les pentes des montagnes jusqu’au rivage. Nous naviguons au cœur des massifs patagoniens ; cordillère de Darwin, la chaîne des sommets de l’île Hoste… Les glaciers se succèdent au cœur de fjords profonds. Nous croisons rarement quelques pêcheurs de centolas, ces sortes de king crabes qui ne se pêchent que durant les mois d’hiver. Un signal sonore fugace lors des croisements, et ces hommes rudes et discrets s’évanouissent dans le dédale des canaux.

Nous sommes allés jusqu’à la Caleta Brecknock, tout au bout de la pointe sud-ouest du continent sud-américain, le temps était beau à notre arrivée, trompeur au point de décider de mouiller pour la nuit dans le meilleur abri de ce cirque immense de calcaire. Il y a quelques années nous avions déjà, lors de notre descente des canaux depuis Puerto Montt, subit à cet endroit en été austral un très fort coup de vent d’ouest. Mais cette fois ci la météo annonce 35 nœuds de nord-est. Vu les pentes glacées qui nous font face, 500 m devant notre étrave, les rafales devraient nous pousser sur la grève, 5 mètres derrière nous. Nous avons doublé toutes les amarres mais celles-ci sont trop latérales pour soulager le mouillage dans l’axe.

 

 

A 22 heures, l’anémomètre flirte avec les 25 nœuds. On ne se voit pas passer une nuit stressante dans un endroit aussi austère, au risque d’échouer notre voilier. La décision est prise de quitter Brecknok. La pleine lune nous aide à récupérer notre treillis d’amarres et nous partons pour une nuit de navigation dans les canaux, cap à l’est. Nous possédons des cartes marines chiliennes que nous avons géoréférencées et nous avons chargé en mémoire toutes les couches des photos satellites des canaux. De plus, à différents points critiques, quelques bouées lumineuses sont là pour guider un des seuls navires à parcourir de nuit en hiver ce dédale de canaux, le « Yaghan » qui relie chaque semaine Puerto Arenas à Puerto Williams. Le vent souffle tantôt vent arrière, tantôt vent de travers, nous aurons des pointes jusqu’à 47 nœuds. Qu’en est-il à Brecknock ? Nous naviguons toute la nuit et la journée suivante, et nous arrivons à la pointe de l’île Gordon fatigués mais dorénavant les vacances commencent …

 

Nous avons 10 jours devant nous pour vivre en harmonie avec cette nature sauvage et majestueuse. Depuis, le temps nous gâte. Un anticyclone a gonflé sur la Terre de Feu et les journées sont de plus en plus ensoleillées. Jusqu’à ce 14 juillet, apothéose pour notre réveil dans un des 2 mouillages de la caleta Coloane. Moins 6 degrés ce matin. L’eau a gelé autour de « Sir-Ernst » durant la nuit, et nous avons au-dessus de nos têtes un ciel bleu immaculé pour magnifier les 3 glaciers qui nous entourent. Nous remontons des fjords profonds et isolés et en profitons pour continuer nos relevés bathymétriques pour le programme Seabed 2030. Nos données seront transmises à L’Institut International Hydrographique de Monaco et alimenteront la base de données pour réaliser la carte la plus complète possible des fonds sous-marins de la planète d’ici la fin de la décennie. En attendant la suite, il est temps de déguster une de ces viandes délicieuses commandées à Ushuaïa accompagnée avec modération, d’un Malbec Argentin.

Hervé, à bord du « Sir-Ernst »

Pour nous suivre :   https://share.garmin.com/SirErnstsailing