Expédition Sir Ernst

La descente du canal Neumayer a été particulièrement ventée. Nous avions attendu du vent portant pour quitter les îles Melchior, et nous avons été gâtés. Sous génois seul, nous avons terminé cette navigation avec la voile d’avant réduite au minimum, les rafales atteignant les 50 nœuds. Sur notre bâbord, Dorian Bay nous tendait les bras, mais pas question d’y rentrer dans ces conditions, Port Locroy, 3 milles plus loin devait nous abriter avec du vent annoncé faiblissant. 3 voiliers occupaient déjà le meilleur emplacement.

L’ancre fut posée non loin d’une falaise de glace. A 3 heures du matin, réveillés par des glaçons qui ne demandaient qu’à flirter avec notre coque et alors que le vent était complètement tombé, nous sommes retournés à Dorian Bay.

Nous avons déjà fréquenté ce lieu lors de notre première croisière en Antarctique. Une fois franchie l’entrée extrêmement exiguë, on pénètre dans une grande piscine naturelle. Une chaussée de cailloux bloque les gros growlers et icebergs qui seraient tentés de venir s’y échouer. Le site est calme par beau temps et il est facile d’y randonner.
Une cabane rouge arbore une peinture aux couleurs de l’Argentine. 50 mètres au-dessus, on visite un ancien refuge britannique qui abritait jusque vers les années 90, trois personnes chargées de renseigner les pilotes en transit vers la base Rothera en baie Marguerite. Une piste était temporairement balisée, permettant à des Twin Otter de ravitailler avant que ceux-ci ne soient remplacés par des avions à plus long rayon d’action.

Mais à notre arrivée, 3 growlers encombrent l’entrée. Ce n’est guère engageant et préférons envoyer l’annexe en reconnaissance. La décision d’entrer est prise et François exécute une magistrale chicane. Ouf ! Rentré. Enfin la quiétude d’un bon mouillage …

Du moins on l’espère, car les prévisions annoncent un fort coup de vent pour le lendemain. En Antarctique, plus qu’ailleurs, le verbe anticiper se navigue à tous les temps. Nous soignons donc l’amarrage. 90 mètres de chaîne se déposent soigneusement sur des fonds de 4 m. Nous tissons une belle toile d’araignée avec nos amarres, 2 en pointe à l’avant et deux autres à l’arrière.
Sir-Ernst paré pour affronter le coup de vent, l’équipage descend à terre et le dîner est arrosé comme il se doit.

2ème réveil successif très matinal, à 4 heures le vent est monté à 40 nœuds. Il nous semble plus prudent de frapper une seconde amarre sur bâbord avant. Sitôt fini, le festival commence ! Cela va durer 36 heures.

La deuxième journée sera éprouvante avec un vent moyen à 50 nœuds durant plusieurs heures et des rafales jusqu’à 63 nœuds. Nous étions prévenus, la lecture des notes et croquis sur les mouillages, que se repassent les navigateurs, indiquent que Dorian Bay « can be windy ». Sacré humour British !

Comme par magie, à l’heure indiquée par les prévisions, le vent cesse ; Enfin une nuit paisible …

Demain, la descente vers le sud continue.

Hervé par 66° 48 sud et 68° 44 ouest.