Expédition Sir Ernst
Lorsque « Sir-Ernst » eut atteint la Baie Marguerite, nous avions réalisé l’objectif de son troisième séjour en Antarctique. Les contraintes du Covid ont largement perturbé le calendrier initial, mais nous avons su saisir une opportunité pour atteindre notre but.
En préparant notre expédition, nous nous sommes rendu compte que le contournement de l’île Adélaïde par le large, à l’ouest, serait obligatoire. Passer entre l’île et le continent est souvent impossible. A cette époque de l’année, la banquise ferme la baie Hanusse, au sud du canal Grandidier. Il fallait donc bénéficier d’une bonne « fenêtre » météo, ce qui fut le cas.
Une fois sur place, il était tentant de se rendre compte des conditions du fameux passage qui permet de passer de la Baie Marguerite à la Baie Hanusse par l’intérieur.
Les cartes des glaces envoyées par notre contact au service hydrographique argentin (merci au capitaine Fabian ALEJANDRO VETERE) indiquaient un pack très dense, quelques milles au nord de la latitude de la base Anglaise Rothéra. Sir-Ernst rêvait secrètement d’un mouillage accroché à la banquise. La météo annonçant deux journées de calme, l’occasion se présenterait-elle ?
Nous sommes alors partis en « exploration ». Très vite, au premier rétrécissement, dans le canal Leboeuf, nous avons bien cru que le pack nous empêcherait de passer. Le nombre de plaques de glace et petits icebergs s’intensifiait, jusqu’à quasiment nous bloquer. Nous étions entourés de phoques qui se prélassaient au soleil. Nous avons alors coupé notre moteur et apprécié durant plusieurs minutes les exceptionnelles forces dégagées par cet endroit.
Devant et à tribord, le long de l’île Wyatt, une zone semblait permettre de progresser vers le nord.
Ainsi, nous avons pu nous faufiler jusqu’à atteindre ce fameux « Gullet Passage ». C’est, quelque peu étourdis par notre audace, que nous avons décidé de nous engager pour le parcourir. La décision n’était pas anodine, car nous mesurions les risques de voir le passage se bloquer et notre retour compromis. Cette zone étroite entre l’île Adelaîde et le continent est divisée en deux par l’île Hanssen. Le Gullet bloqué, il restait la possibilité de revenir par le Gunnel Passage, sur l’autre côté de l’île.
Le courant de marée nous propulsait assez rapidement, et comme par magie, nous nous sommes retrouvés au nord. Nous avions franchi le fameux « Gullet » !
Mais toujours pas de banquise ! Légèrement « tendus », nous avons pris la décision de contourner l’île Hansen par le nord dans un décor exceptionnel. Le temps était magnifique et l’intensité du lieu saisissante.
Mais où allions nous passer la nuit ? Par mesure de sécurité, nous avons envoyé notre drone. La banquise n’était qu’à quelques milles au nord et nous tendait les bras pour réaliser ce fameux mouillage.
Le vent de nord prévu pour le lendemain nous a dissuadé de prendre cette décision. Trop de risques que des glaces viennent boucher les deux passages. Nous serions alors bloqués dans le lieu le plus inaccessible et isolé de la péninsule !
Le Gunnel passage a donc été descendu, non sans une légère appréhension. En son milieu, il se rétrécit fortement et n’affiche que des fonds de 20 mètres. Au fur et à mesure que nous approchions de cet endroit, une barrière d’icebergs et de growlers grossissait, formant un véritable barrage.
Nous avons pu nous faufiler dans un véritable trou de souris, près de la barrière de glace du glacier du côté ouest du chenal. Le sondeur indiquait alors 1m50 de profondeur ! Nous passions sur une partie immergée d’iceberg. Un ou deux growlers furent poussés par l’étrave et nous nous sommes retrouvés de l’autre côté …
L’heure avançant, il a fallu trouver un endroit pour s’arrêter. Il n’y a pas de bons mouillages dans cette zone, juste des glaciers qui tombent dans la mer avec le plus souvent des séracs menaçants. Mais un peu plus au sud, une petite langue de neige et un semblant de plage sont apparus. Environ deux cent cinquante cormorans tenaient meeting, vingt mètres au-dessus de la rive. Ils nous ont bien snobés durant l’installation de deux aussières « à cul » alors que l’ancre reposait par 10 mètres de fond.
Le coucher fut tardif tellement nous étions émerveillés par les couleurs du jour déclinant sur les glaciers. Juste en face de nous, l’entrée du Gullet nous rappelait quelle journée extraordinaire nous venions de vivre.
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