Expedition Sir Ernst

Jean-Baptiste Charcot a réalisé deux hivernages en Antarctique. Le premier à bord du bateau Le FRANÇAIS (1903-1905) puis le second à bord du navire le Pourquoi Pas ? (1908-1910).

 

Le but de l’expédition est d’y hiverner et d’explorer les côtes nord et nord-ouest de la terre dite de « Graham », en réalisant des observations scientifiques. Charcot change le nom de son bateau qui devait, comme les précédents, s’appeler Pourquoi Pas ? et eut dû être le 4e, en construction au chantier et atelier de construction navale GAUTIER de Saint-Malo, pour le rebaptiser Le FRANÇAIS, façon de remercier tous les citoyens qui avaient suivi l’initiative du Journal Le Matin en répondant à la souscription nationale qui avait rapporté 150.000 F, le tiers du budget total.

En outre Charcot, passionné comme toujours, mais avec raison, voulait ainsi marquer son intention patriotique en écrivant : « dans le Sud nous sommes sûrs de réussir, de très bien réussir, car il y a eu très peu d’explorations et il suffit pour ainsi dire d’y aller pour trouver du nouveau et faire une grande et belle heure ». Le FRANÇAIS avait une structure très solide destinée à lui permettre une navigation sans danger ; son point faible sera sa machine « auxiliaire », un moteur de 125 chevaux, une machine de torpilleur, condamnée, achetée d’occasion, à propos de laquelle Charcot écrira qu’elle était évidemment trop faible pour le bateau, « mais comme nous n’avions plus assez d’argent pour nous en procurer une autre, il fallait nous en contenter ».

 

La destination était donc la terre de Graham, nom de la partie de la péninsule Antarctique découverte par un chasseur de phoques anglais (le chasseur !) John Disco en 1832 et renommée ainsi en l’honneur de Sir James Graham, 1er lord de l’amirauté de l’époque.

Heureusement qu’il y eut cette souscription nationale à l’initiative du journal Le Matin car Charcot n’avait obtenu que de timides soutiens officiels ; certes le Président de la République, Emile Loubet, patronne l’expédition, le ministère de l’instruction publique donne une forte subvention, la société de géographie accorde son patronage et une subvention, ainsi que l’académie des sciences et le muséum national d’histoire naturelle.

Il reçoit aussi des conseils du Bureau des longitudes, et le ministre de la Marine fera livrer 100 tonnes de charbon et prêtera quelques instruments scientifiques. Le ministre de la Guerre autorisera quant à lui l’achat de mélinite pour servir d’explosif !

Pour ce voyage, Charcot réunit un « état-major » de cinq membres auquel il adjoindra le belge Adrien de Gerlache pour son expérience de pilote dans les glaces, fort de son propre hivernage, quoique involontaire ! Il aura en outre un équipage de 14 personnes.

 

 

 

 

 

L’expédition se lance du Port du Havre le 15 août, avec un incident pendant la manœuvre d’appareillage qui coûtera la vie à un matelot appelé Maignan. Le FRANÇAIS doit faire demi-tour, et Charcot en est très affecté. Toutefois, l’ensemble de l’équipage ne sera pas démoralisé par ce « défi », ou (mauvaise) « fortune de mer », et repartira sans appréhension écrira Pleneau, membre de l’état-major (on le retrouvera plus au sud sous le nom d’une Île que SIR ERNST connaît bien). Les marins sont superstitieux par nature et le moindre signe extérieur à la vie du bord qui perturbe celle-ci est toujours de nature à conjecture… Raison pour laquelle, pour éviter tout risque, il n’est jamais embarqué d’animal à grandes oreilles… ! Toujours est-il que l’expédition finit par quitter Brest à la fin du mois d’août après avoir chargé le charbon offert par le ministère de la marine.

Après une traversée de deux mois, des escales en Espagne, à Madère, et au Cap Vert, c’est un arrêt imprévu au Brésil à Pernambouc (premières côtes brésiliennes derrière la ville de RECIFE) où on débarquera Gerlache, Bonnier et Perez.

Puis viendra une longue escale à Buenos Aires où les argentins ont été « étonnants » selon l’expression de Charcot lui-même, et la mission réconfortée matériellement et moralement, arrive à Ushuaïa en terre de feu, dernière étape avant l’inconnu du Grand Sud (Nord du Canal de Beagle – le sud et les îles du Cap Horn, les îles Wollaston, sont chiliens. C’est courant janvier que Le FRANÇAIS quittera Ushuaïa.

Les trois hommes, débarqués à Pernambouc, l’explorateur belge Gerlache et les naturalistes français, Bonnier et Perez, avaient déjà navigué et collaboré dans le projet d’expédition aux Iles Kerguelen en 1900-1901 à bord de la Sélika. Officiellement, Gerlache a quitté l’expédition pour rejoindre sa fiancée en Belgique. Officieusement, une grande tension règne entre Charcot et Gerlache et l’ambiance à bord en pâtit. Gerlache a donc été contraint de débarquer au plus tôt, visiblement, dès que Charcot et Le FRANÇAIS sont arrivés en vue des côtes brésiliennes, avant de parfaire leur descente vers le Sud.

Charcot, comme aujourd’hui Sir Ernst, a emprunté le parcours traditionnel en Atlantique et entre les deux, nord et sud, qui consiste à descendre côté Afrique jusqu’à l’Equateur, pour basculer vers les côtes du Brésil en dessous.

En première partie, les navigateurs bénéficient de l’alizé du nord-est à partir des Canaries, jusqu’à l’Equateur, puis en dessous, en évitant le Pot-au-Noir, central entre les côtes africaines et américaines du Sud, ils rechercheront l’alizé du sud-est.