Expédition Sir Ernst
Valdès : c’est à la latitude de cette péninsule que Sir-Ernst navigue ce soir.
Mais nous aurons beau scruter sans fin la mer ; nous ne trouverons pas le moindre indice signalant la présence de baleines. Et pourtant cette zone concentre de juin à mi- décembre un grand nombre de cétacés rejoignant la péninsule pour perpétuer un rite originel consistant à donner la vie à sa descendance.
Le golfe San José et le golfe Naevo se font face. L’un au nord et l’autre au sud formant une péninsule offrant aux baleines franches australes, un lieu protégé pour se reproduire. Les eaux y sont calmes et moins froides qu’au large. La vie marine pullule : éléphants de mer, lions de mer, manchots de Magellan que guettent des orques venus y faire leur marché.
Mais nous ne pourrons pas aller mouiller dans ce sanctuaire. Ce qui nous éviterait d’affronter un coup de vent soufflant de sud-ouest, pile sur notre cap, demain matin …
La zone est fortement réglementée et les mouillages interdits aux rares yachts qui croisent dans ces eaux. On peut le comprendre ; en revanche cette décision semble paradoxale lorsque l’on sait que la navigation est autorisée aux embarcations transportant les touristes et les amenant à quelques mètres des cétacés pour leur permettre de réaliser des clichés « animaliers ». Peu importe la tranquillité des baleines.
La population des baleines franches australes se reconstitue partout dans le monde. Les accords internationaux signés par la plupart des acteurs de la pêche industrielle ont porté leurs fruits, même si quelques nations réfractaires s’obstinent encore. Le constat nous avait déjà été expliqué par de jeunes scientifiques britanniques lors de notre précédente escale en Géorgie du Sud. Et pourtant le nombre de cétacés fréquentant Valdès diminue. La cause est à chercher du côté du réchauffement climatique, encore lui ! Et oui ; le krill, principale nourriture des baleines n’aime pas trop que la température augmente même de façon minime. Les réserves diminuent !
« L’Institutot de conservation de Ballenas » a également noté que les mouettes arrachaient des lambeaux de peau aux baleineaux leur occasionnant de possibles infections. Rien n’est encore acquis …
1500 milles nous séparent encore de l’Antarctique où nous retrouverons une partie des baleines franches australes venues y passer l’été. Nous allons naviguer plusieurs jours le long de la côte de la Patagonie. Comme à l’accoutumée sur Sir-Ernst, plusieurs livres traitant des régions traversées sont venus enrichir la bibliothèque du bord. Les quarts de nuit seront propices à la lecture des ouvrages sur ce fantastique pays. Notre imaginaire y croisera ainsi des personnages aussi différents que Butch Cassidy et le kid, Jorge Luis Borges, Bruce Chatwin ainsi qu’Antoine de Tounens le seul et unique monarque du royaume d’Araucanie et de Patagonie si cher à Jean Raspail.
Et lorsque nous auront franchi l’entrée du détroit de Magellan et atteint l’extrémité sud-ouest de la Terre de Feu, juste en face de l’île des Etats, nous pourrons méditer sur la folie des hommes qui ont exterminé les derniers indiens de Patagonie : les Kawésquars et Yaghans peuples nomades pêcheurs ainsi que les Onas, et les Haush, peuples chasseurs terrestres …
Hervé à bord de Sir-Ernst par 43°37’525’’ S, 61°18’329’’ W
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